Mon 1er avocat qui me ment

Lorsque je décide en 1998, avec le soutien de mes proches, de déposer plainte contre mon bourreau, je suis d’abord en recherche d’un bon avocat qui accepte l’aide juridictionnelle puisque je n’avais pas les moyens financiers et puisque les victimes y ont droit. J’en parle à une amie qui se renseigne auprès d’une amie, laquelle me recommande un avocat à Argenteuil qu’elle a eu comme prof en cours à l’université. Cet avocat devait donc être sérieux à priori. Je rencontre Maître R. Il me pose des questions bien sûr et je lui explique mon histoire, avec des difficultés puisque c’est toujours douloureux d’en parler. Je le revois plusieurs fois, il me dit qu’il souhaite lire mon journal intime que je tiens depuis quelques années afin de pouvoir trouver des éléments et les utiliser. Je lui apporte donc plusieurs cahiers et dossiers de mon journal. Il me dit qu’il s’occupe d’écrire la plainte et de l’envoyer, qu’il fallait ensuite attendre et que l’attente était extrêmement longue, qu’il ne fallait pas m’inquiéter.

Des mois passent, je le recontacte pour savoir où cela en est. Pas de nouvelles. Je prends rdv et lors de cet entretien il m’apprend que la plainte a été perdue mais qu’il s’occupe de tout renvoyer. En 2000, ma santé se détériore un peu plus qu’avant. Rien ne se passe avec la plainte, ni le tribunal et par trois fois en 2 ans, l’avocat me redit que la plainte s’est perdue au tribunal. Mon compagnon se renseigne directement au tribunal de Pontoise pour savoir si une plainte a bien été déposé car même en cas de perte, il est impossible qu’il n’y ait pas de trace. Le tribunal nous apprend qu’AUCUNE plainte, ni courrier n’a été envoyé par Maître R. pour mon affaire !

Nous prenons rdv avec lui. Nous sommes en octobre 2000.

Accompagnés par mes parents, nous nous présentons au rdv. En chemin, le secrétariat nous prévient que le rdv est annulé. Nous nous y rendons quand même.

Mon avocat n’est pas là. Sa femme oui. Nous lui demandons de me restituer mes journaux intimes. Elle refuse et nous demande de partir. Nous restons et devant son insistance et sa violence – sans doute avait-elle peur mais de quoi ? – nous appelons le commissariat en expliquant ce qui se passe et ce que nous sommes venus faire : reprendre mes journaux intimes.

Devant les policiers qui se sont déplacés et lui expliquent qu’elle doit me rendre mes cahiers et dossiers, elle cède.

En chemin, je m’aperçois qu’il manque un cahier rose saumon très important. C’était celui dans lequel je décrivais les faits. J’avais trouvé la force de les écrire pour m’en débarrasser. Il n’y est plus. Cela me fait beaucoup souffrir.

Je suis partie de ce cabinet d’avocats avec un sentiment d’avoir été trahie, volée, piétinée. Je découvrais alors à 25 ans que des avocats pouvaient se comporter comme des ordures, vous mentir et vous voler une partie de vous-même.

Je ne sais toujours pas aujourd’hui pourquoi cet avocat n’avait pas fait le nécessaire et pourquoi il m’avait menti pendant 2 ans, ni pourquoi il ne voulait pas me rendre mes journaux intimes et encore moins ce qu’est devenu ce cahier à la couleur rose saumon.

Avec mon ami, nous avons décidé de ne pas en rester là. Nous avons dénoncé ces agissements auprès du Conseil de l’Ordre des Avocats qui a demandé des explications à Maître R. et c’en est resté à ce stade, malgré le témoignage des 2 policiers présents. Aucune sanction ni réparation. De leur côté, la femme a essayé de nous poursuivre avec comme faux-prétexte son petit doigt abîmé. Un mensonge de plus…

Il ne restait plus qu’à envoyé un courrier au Procureur de la République pour déposer cette plainte. Ce que mon ami m’a aidée à rédiger. Nous étions encore dans les temps. Ensuite il fallait que je trouve un/e autre avocat-e pour me défendre, mais comment trouver une personne de confiance ?

Je me demande aujourd’hui si cet avocat n’est pas tout simplement un consommateur d’enfants qui avait décidé de faire en sorte que le délai de la prescription soit passé afin de protéger un autre pédophile, sinon pourquoi m’avoir menti en me faisant croire que la plainte était perdue au tribunal, ne pas faire le nécessaire et pourquoi refuser de me rendre mes cahiers intimes sinon pour empêcher de mener à bien une instruction avec des éléments pouvant se trouver dans mes écrits ? Et pourquoi, alors que je lui avais expliqué qu’à cette époque j’avais une phobie des couteaux, faisait-il exprès de jouer avec son coupe papier devant moi, si ce n’est par sadisme ? C’est vrai au fond, quel était son mobile pour faire en sorte que mon bourreau ne soit pas poursuivi, interrogé, qu’il n’y ait pas d’enquête… ?

NB : Avis aux enquêteurs, services de police, je suis toujours à la recherche de mon cahier moyen format (plus petit que le A4), de couleur saumon, à spirales, et élastique pour le fermer.

English: Caractacus at the Tribunal of Claudiu...

English: Caractacus at the Tribunal of Claudius at Rome Engraving by Andrew Birrell of a painting by Henry Fuseli Original is a D size print. (Photo credit: Wikipedia)

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Lettre morte aux Sénatrices et Sénateurs : « PLAINTE AUPRES DU PARQUET » 2012

Madame la Sénatrice, Monsieur le Sénateur, je vous envoie cette plainte au nom des 70.000 victimes de viol qui ne portent pas plainte chaque année, pour que justice et réparation leur soient rendues. Pas de justice, pas de paix !

PLAINTE AUPRES DU PARQUET.

MOTIF : VIOLS

Paris, le 1er mars 2012

Je suis né-e d’un viol.
Enfant, j’ai été violée par mon père. Mon cousin. Mon voisin. Mon frère.
Adolescente, j’ai eu un premier rapport sexuel que je ne désirais pas.
D’autres ont suivi et je ne me posais même plus la question de mon désir.
Adulte, j’ai été harcelée, agressée, battue, violée.
J’ai été violée en passant, parce que j’étais là, parce que j’étais bien habillée, parce que j’étais sexy, ou pas assez, ou trop, parce que j’étais, tout simplement.
Mon mari m’a violée, et on a appelé cela le devoir conjugal.
Dans le monde, au moins une femme sur trois est victime de violences sexuelles au cours de sa vie. Ce sont chaque année des millions de femmes qui sont violées, leurs vies brisées.
Le viol est un crime.
En France, chaque année, environ 75.000 femmes et au moins autant d’enfants sont violés.
Chaque année en France plus de 90% des victimes ne portent pas plainte. Soit…70.000 ou plus de 150.000 si on compte les mineurs.
Chaque année en France moins de 1 500 condamnations pour viol sont prononcées. Cela laisse des milliers de criminels en liberté qui recommencent en toute impunité…

Tous les jours dans notre pays, dans les tribunaux, dans les médias, dans les commissariats de police ou les cafés du commerce, on excuse l’agresseur et on blâme la victime : elle invente, elle est mytho, elle est jeune, elle est belle, elle est moche, elle était provocante, elle l’a bien cherché, elle avait bu, pris de la drogue, des médicaments, elle est sans papiers, elle est prostituée, elle était sa petite amie, elle est de la famille, c’est là où elle travaillait, elle n’avait qu’à pas être là, elle a dit seulement non et pas non non non, elle n’a pas porté plainte assez vite, elle a l’air folle, elle est paumée, elle veut se venger, elle est intéressée, elle est lesbienne, elle veut seulement se faire remarquer, elle a déjà menti dans sa vie, etc, etc, etc…
Je suis l’une d’elles. Je suis toutes les autres.
Nous sommes des centaines de milliers.
-Aujourd’hui je porte plainte, je porte 70 000 plaintes pour cette année, au nom de toutes.
-Aujourd’hui j’exige que la justice de mon pays réalise enfin le caractère massif de ce crime.
-Aujourd’hui j’exige que la justice de mon pays reconnaisse enfin la gravité absolue de ce crime.
-Aujourd’hui j’exige que la justice de mon pays enquête enfin sur la matérialité des faits et plus sur les victimes, qu’elle poursuive enfin les agresseurs au lieu de les excuser.
-Aujourd’hui j’exige que les institutions de mon pays mettent en place tous les moyens possibles et imaginables pour assurer notre droit à vivre sans violences sexuelles et pour que justice et réparation nous soient rendues.

Post-Scriptum de mon histoire personnelle : mon bourreau a été acquitté en 2011 par le Tribunal de Nanterre en appel alors qu’il devrait purger une peine de X ans ferme – décision du Tribunal de Pontoise en 2009. Je me bats depuis 2000. Je suis morte. Je survis. C’est le parcours du combattant qui n’aboutit qu’à une chose : l’impunité pour les criminels de viols. La Cour de Cassation : Rejet. Au civil : Rejet. Alors même que les 2 tribunaux ont reconnu que j’ai bien été VICTIME. Au nom de la Justice en laquelle je croyais, j’ai tout perdu. Mon bourreau m’a volé mon enfance, mon adolescence, mon honneur et ma dignité. Le Tribunal de Pontoise m’avait redonné mon honneur et ma dignité, le Tribunal de Nanterre, son Président et l’avocate T. de la Partie adverse, non seulement m’ont repris mon honneur et ma dignité, mais ils ont aussi assassiné les Droits de l’Enfant pendant le procès en appel de Nanterre. J’ai porté une procédure monstrueuse pendant plus de 10 ans. Nous sommes non pas des milliers, mais des MILLIONS de victimes de crimes sexuels sur plusieurs générations. Que faites-vous ? Où êtes-vous ? A quoi servez-vous ?

Pour votre culture, merci de bien vouloir prendre le temps d’écouter et de prendre connaissance de ce qui vous sera utile dans votre combat près de nous, si vous avez un peu de courage et de coeur, mais rassurez-vous, vous n’aurez pas en écoutant une émission à supporter ce que moi et les survivants avons supporté

PAS DE JUSTICE = PAS DE PAIX !
[pour la petite histoire, lorsque j’avais envoyé des mails en nombre aux députés et sénateurs sur le MES (Mécanisme Européen de Stabilité), j’avais reçu quelques réponses. Sur ce sujet : ZERO REPONSE !!! Donc je l’appelle Lettre Morte.]